Témoignage : Jean-Jacques Eledjam, Président de la Croix-Rouge Française : «Deux mois après Irma, les caméras s’éteignent sur Saint-Martin et St-Barth, pourtant il y a toujours urgence » ! 

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Deux mois après le passage dévastateur de l’Ouragan Irma, la Croix-Rouge Française est toujours aussi engagée auprès des Saint-Martinois pour leur venir en aide. En atteste la venue, aujourd’hui, à Saint-Martin, du président de la Croix-Rouge Française, Jean-Jacques Eledjam, toujours préoccupé de la situation actuelle !

« Oui, dans la nuit du 5 au 6 septembre dernier, les Caraïbes et singulièrement Saint-Martin et Saint-Barthélemy, étaient confrontées à l’une des épreuves les plus terribles de leur histoire. Avant même l’arrivée d’Irma, la Croix-Rouge française avait déclenché son dispositif de réponse aux urgences et situations d’exception. Sur le terrain, dans un contexte très difficile, elle s’est déployée pour venir en aide aux populations sinistrées. Plus de 300 de ses volontaires métropolitains sont venus prêter main forte aux 500 bénévoles actifs et salariés de Guadeloupe, Martinique, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et de Guyane. Sa «Plateforme d’Intervention Régionale Amérique Caraïbes» (PIRAC) s’est mise en alerte maximum, afin de renforcer, notamment, le soutien logistique indispensable.

Sur place, le chaos: tous les témoins ont exprimé ce sentiment de «fin du monde». Des lieux familiers brutalement effacés du paysage, des repères qui volent en éclat, des vies qui basculent face à une situation dont nul ne pouvait imaginer l’implacable violence.

C’est l’urgence qu’il a fallu gérer, avec, par exemple, la distribution de 80.000 litres d’eau chaque jour ou de produits de première nécessité pour répondre à la menace sanitaire. Grâce aux nombreux dons recueillis et à une mobilisation exceptionnelle de ses équipiers, la Croix-Rouge française a été en première ligne aux côtés des services de l’Etat pour agir, répondre et soutenir.

Oui, Irma fut dévastatrice. Oui, cette région du globe a été et continuera d’être la cible d’événements climatiques dont la force ne cessera de croître. Certes la Croix-Rouge travaille quotidiennement à la préparation des populations, mais ici, sur le territoire français, il n’est pas seulement question de fragilité environnementale: il est question de fragilité sociale.

C’est une société fragmentée et inégalitaire qui a été frappée. Un environnement où le contraste est saisissant entre les plus aisés et les très pauvres. Des territoires où s’agrègent un chômage massif, un habitat indigne et un niveau de précarité tel, qu’il aboutit souvent à une forme «d’invisibilité sociale».

Comment espérer alors, que cette société soit à même de se relever de telles catastrophes? Comment compter sur la résilience des populations si en amont des catastrophes la précarité expose une grande partie de la population?

Alors oui, il faut reconstruire. Certes il nous faut doter ces régions des équipements adaptés aux risques encourus, pour se préparer à de nouveaux défis de cette nature. Mais, ce faisant, c’est toute une organisation collective qu’il convient de restaurer. Poser des actes dédiés au logement, à l’éducation, aux soins, à la justice. Créer les conditions d’un accompagnement ciblé des personnes, du soutien psychologique au retour à l’emploi. Accompagner la vie associative. Pour être efficaces et avoir du sens, toutes ces actions doivent être conçues et mises en œuvres avec les populations locales.

Aujourd’hui, en phase de post-urgence, les priorités sont claires: donnons à nos concitoyens les moyens de se préparer mais aussi de se relever. La post-urgence est à l’urgence sociale.

L’impératif est de favoriser l’émergence d’une société plus solidaire et plus cohérente, sur les décombres d’ouragans dont on aimerait qu’ils aient aussi balayé les maux d’un collectif trop vulnérable. Je nourris l’espoir qu’une telle vision puisse être partagée, à l’heure où le Premier ministre est aux Antilles françaises afin d’exprimer toute la solidarité nationale à leurs populations. Car si la Croix-Rouge française va s’employer au cours des prochains mois, à travailler de concert avec les habitants de ces territoires meurtris, elle ne pourra pas agir seule. L’enjeu est tel, qu’il faudra une mobilisation large, autour d’objectifs validés au plus haut niveau de l’Etat.

J’aurai moi-même l’occasion de me rendre sur place du 11 au 15 novembre, afin d’y rencontrer les habitants et les pouvoirs publics. Aux équipes de la Croix-Rouge française, je dirai le respect qu’inspire le travail qu’elles ont accompli. Je leur dirai également que le plus dur commence: une reconstruction intégrale et méticuleuse, à la mesure du désarroi mais aussi de l’espoir qu’éprouvent nos compatriotes antillais ».

Jean-Jacques Eledjam, Président de la Croix-Rouge Française, Professeur des Universités, Docteur en médecine

Pour rappel, quelques chiffres clés des actions réalisées par la Croix-Rouge : 

– 410 équipiers métropolitains mobilisés aux Antilles depuis le 6 septembre venus de 67 départements. En moyenne, 130 bénévoles engagés chaque jour

– 12 réservoirs d’eau installés sur l’île, dotés de rampes de distribution d’eau sanitaire qui ont permis de fournir 80 000 litres d’eau chaque jour.

– Plus de 11 000 personnes accueillies aux aéroports de Saint-Martin et de Pointe-à-Pitre

– Distributions de produits de première nécessité

– 3 656 kits hygiène

– 1 328 kits nettoyage

– 568 lampes solaires (permettant également de recharger les portables)

– 8 411 jerricanes

– 1 688 kits cuisine

– 1 363 kits abri et bâches

– 2 367 moustiquaires

– 5 653 bénéficiaires vus sur les points de distribution ou au cours des maraudes allant à la rencontre des personnes isolées ou à mobilité réduite, dans les quartiers défavorisés

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