De nouvelles technologies utilisées à Saint-Martin pour protéger les poissons

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Dans le cadre du Life BIODIV’OM,  la Réserve Naturelle Nationale de Saint-Martin, en partenariat avec l’entreprise française Ecocéan, a déployé sur leur territoire des méthodes innovantes permettant d’obtenir davantage de connaissances sur le Mérou de Nassau et le Mérou géant.

Le cycle de vie des poissons récifaux

Ce cycle débute par une phase de quelques jours à plusieurs mois en plein océan sous forme de larve transparente (phase planctonique océanique) qui se terminera par une phase adulte au niveau des récifs coralliens. Entre ces deux phases, se déroule la colonisation des récifs au cours de laquelle les post-larves présentes dans l’océan subissent une transformation morphologique importante puis reviennent vers les côtes.

Cette phase de colonisation se déroule principalement autour de la nouvelle lune ou lune noire, les post-larves profitant de l’absence de lumière pour éviter la prédation. La post-larve de poisson est donc le dernier stade larvaire de leur cycle de vie océanique. Dans la grande majorité des cas (plus de 95%) ces post-larves disparaissent par prédation naturelle ou faute d’atteindre un habitat adéquat au bout de 10 jours.

La PCC

La PCC (Post-Larval Capture and Culture) est une technique innovante de prélèvement en mer et d’élevage en milieu artificiel de post-larves marines. La PCC consiste à prélever les post-larves présentes dans l’océan avant qu’elles ne subissent cette forte mortalité et à les élever jusqu’à des stades plus avancés afin de les relâcher et de renforcer les populations de poissons dans le milieu naturel. Cette méthode permet également de connaitre l’identité des espèces et la période à laquelle elles s’installent dans les eaux côtières.

La capture

Concrètement, il existe deux techniques principales permettant de capturer les post-larves de poissons : les filets disposés sur la crête récifale qui filtrent les masses d’eau arrivant sur le récif et qui emprisonnent ainsi les post-larves et les attracteurs flottants lumineux, appelés CARE, qui utilisent le caractère phototrophe de la majorité des post-larves pour en faciliter la collecte. Le choix de la méthode dépend du lieu et de l’objectif du projet, du coût et de sa facilité d’utilisation. A Saint-Martin, la méthode des pièges lumineux (Light trap) est utilisée actuellement pour capturer les post-larves.

Ces collecteurs sont installés au coucher du soleil lors des nouvelles lunes ou lunes noires au-dessus de zones de 15 à 30 mètres de profondeur puis seront relevés au lever du soleil après une nuit complète de pêche. Les dispositifs sont amarrés à un leste et munis de chambres à air pour assurer la flottaison, les post-larves évoluant en surface. Au lendemain, les larves sont récupérées dans un collecteur en PVC.

L’élevage

Une fois à terre et après un tri minutieux, les post-larves sont placées en aquarium d’élevage au sein d’une ferme ou en laboratoire. Au cours de cette étape, les post-larves sont triées et élevées dans des bassins d’expérimentation jusqu’au stade juvénile ou adulte.

Les BioHut sont des nurseries artificielles : des petits habitats d’une grande complexité installés pour permettre aux jeunes stades larvaires de se cacher des prédateurs et de grandir toute sécurité.

Les BioHut

Ces BioHut limitent la prédation en permettant aux juvéniles ou post-larves de se cacher à l’intérieur de ce système composés de barrières bloquant le passage aux gros prédateurs. Un autre bénéfice de ce système est l’apport en nourriture au sein même de l’habitat, devenant le support où se développe une faune et une flore diversifiées (grilles, coquilles d’huîtres vides, cordages en fibres de coco…).

Faciles à mettre en place (40 BioHut par jour) et composés de bois, d’acier et de coquilles de mollusques, ces BioHut peuvent être installés sur des infrastructures portières ou des marinas pour en restaurer la fonction écologique de nurserie perdue par l’aplanissement du substrat.

A Saint-Martin, ces nurseries artificielles sont installées sur des structures telles que des habitats artificielles, des mouillages, un ponton et dans la mangrove.

A terme, ces huttes de biodiversité peuvent contenir plus de 150 espèces de faune et flore. Ces dispositifs innovant permettront de surveiller les arrivages de mérous et d’autres espèces de poissons, qui auraient échappé aux CARE (collecteurs lumineux).

Ecocean

Ecocean est une entreprise française (Montpellier) qui agit et innove en faveur de la biodiversité aquatique. Créée en 2003, l’entreprise a développé la collecte et l’élevage de post-larves (PCC) pour une valorisation durable de la ressource marine et la conservation de la biodiversité des écosystèmes marins. Devenue aujourd’hui leader mondial de la technique de PCC, Ecocean est associée au programme LIFE BIODIV’OM en tant que partenaire de la Réserve Naturelle Nationale de Saint-Martin.

Formés par l’entreprise Ecocéan en octobre 2019, les agents de la Réserve Naturelle Nationale de Saint-Martin ont ainsi déployé la méthode de la PCC par les pièges lumineux et mis en place des BioHut sur l’île. Dans le cadre du LIFE BIODIVOM, la Réserve a mis en place ces protocoles dans le but d’étudier les flux d’arrivée des post-larves sur les petits fonds côtiers, notamment deux espèces de mérous : le Mérou de Nassau et le Mérou géant, tous deux menacés au niveau mondial. Ces techniques innovantes permettront d’acquérir de nouvelles connaissances sur les post-larves de mérous, comme la période de colonisation et les espèces concernées.

L’AGRNSM, dans le cadre du LIFE BIODIV’OM, sera également acteur d’un transfert de savoirs faires liés à la PCC et aux BIOHUT, vers leurs homologues locaux et plus particulièrement le personnel de l’Agence Territoriale de l’Environnement (ATE) de Saint-Barthélemy.

Deux espèces de mérous menacées d’extinction

Le Mérou de Nassau et le Mérou géant sont deux espèces menacées à l’échelle mondiale. Sur l’île de Saint-Martin, le Mérou de Nassau est observé mais sa population a considérablement chuté au niveau mondial. La présence du Mérou géant est quant à elle désormais anecdotique aux Antilles. Les stocks de l’espèce se sont écroulés et l’espèce, présente à l’origine sur la côte Ouest et Est de l’océan Atlantique, n’est plus qu’uniquement présente sur la zone Ouest.

Outre le manque de réglementation, d’autres menaces telles que les activités humaines contribuent à la diminution de leurs populations comme la destruction des habitats essentiels des mérous par les aménagements côtiers, les rejets d’eaux usées, le défrichement du littoral et la sur-fréquentation des zones récifales. De plus, les récifs coralliens, habitat fréquenté par le Mérou géant et le Mérou de Nassau, souffrent particulièrement des conséquences des changements globaux, induisant une diminution du couvert corallien et des épisodes de blanchissement corallien.

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