Avis du Conseil scientifique COVID-19 8 avril 2020 « OUTRE-MER »

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Dans le cadre de la rédaction de cet avis, le Conseil scientifique a bénéficié de l’aide de Christophe Longuet, médecin chargé d’une mission de conseil dans le cadre l’épidémie Covid-19 dans l’outre-mer.

Cet avis a été transmis aux autorités nationales le mercredi 8 avril à 14h30.

Comme les précédents avis du Conseil scientifique, cet avis a vocation à être rendu public.

Les territoires d’outre-mer sont frappés par l’épidémie de Covid-19 avec un décalage de plusieurs semaines dans le temps par rapport à la métropole. Le confinement général y a été décrété au même moment, le 17 mars. Pour être efficace, cette mesure doit être strictement mise en oeuvre et bénéficier d’une large adhésion de la population, comme ceci semble être le cas. Mais le stade précoce de l’épidémie et l’insularité de la plupart des territoires d’outre-mer rendent possibles d’autres mesures pour freiner la propagation de l’infection, fondées sur une utilisation plus large des tests de diagnostic, avec un isolement des patients positifs, et des mesures de quarantaine des nouveaux arrivants. Les situations des territoires d’outre-mer sont hétérogènes et les mesures, pour être opérationnelles, doivent être réalistes et adaptées aux contextes. Elles doivent être différenciées selon les territoires et élaborées avec les autorités et les acteurs impliqués. Mercredi 8 avril 2020, 14h30

ETAT DE L’EPIDEMIE DANS LES TERRITOIRES D’OUTRE-MER

Le Conseil scientifique, sollicité par la Ministre des outre-mer pour donner son avis sur les mesures engagées et à développer contre l’épidémie de Covid-19 dans les outre-mer, recommande de mettre à profit le décalage épidémique avec l’hexagone pour que les territoires se préparent et mettent en oeuvre les mesures pour freiner localement l’épidémie et mieux gérer l’afflux des malades dans les structures hospitalières.

Les premiers cas de Covid-19 sont apparus dans les territoires d’outre-mer, à partir du 1er mars, d’abord à Saint-Barthélémy et Saint-Martin, puis en Guyane, Martinique, Guadeloupe, à la Réunion, en Polynésie française, à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie. Les premières personnes infectées ont été des voyageurs ayant contracté l’infection hors des outre-mer, puis sont apparus des cas secondaires dans leur entourage immédiat. De plus en plus d’infections dites autochtones, c’est-à-dire sans lien avec les voyageurs, sont maintenant diagnostiquées.

Au 4 avril 2020 on comptait sur les territoires d’outre-mer : 134 cas avérés en Guadeloupe, 24 à Saint-Martin, 6 à Saint-Barthélemy, 145 en Martinique, 66 en Guyane, 321 à La Réunion, 134 cas à Mayotte, 18 en Nouvelle-Calédonie, 40 en Polynésie française, un à Saint-Pierre et Miquelon et aucun à Wallis et Futuna. Une cinquantaine de malades sévères ont été admis en service de réanimation et 14 personnes, ayant des comorbidités, sont décédées.

 Deux territoires sont au stade 1 de l’épidémie : Wallis et Futuna et Saint Pierre et Miquelon où le premier cas de Covid-19, asymptomatique, vient d’être identifié en fin de quatorzaine préventive chez un voyageur.

 Cinq territoires sont passés au stade 2 : la Guyane, la Réunion, Mayotte, la Nouvelle-Calédonie, et la Polynésie française.

 Quatre territoires sont en stade 3 : La Guadeloupe, Saint-Martin, Saint Barthélémy et la Martinique, en raison d’une augmentation des cas autochtones indiquant une circulation du virus sur l’ensemble du territoire.

Les Antilles sont aussi confrontées au risque de Covid-19 à bord des navires de croisière. Ainsi un bateau actuellement en quarantaine au large de Fort-de-France est touché par l’infection et a dû transférer certains membres de son équipage au centre hospitalier universitaire de Fort de France. En Guyane, sur le Haut-Maroni, les allées et venues de pirogues d’orpailleurs clandestins venus pour la plupart du Brésil, se multiplient, sans aucun respect du confinement. Elles font craindre une propagation accélérée du virus parmi les amérindiens. Un autre sujet d’inquiétude, généralisé à l’ensemble des territoires tropicaux, est celui de la recrudescence de la dengue depuis quelques mois. La prise en charge des malades fébriles risque de s’en trouver compliquée.

La situation à Mayotte est particulièrement préoccupante : plus de 80 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, 30 % des habitations n’ont pas l’eau courante et l’offre de soins est limitée. Cependant, 50 % des habitants ont moins de 18 ans et seulement 4% plus de 70 ans ; à tempérer par le fait que diabète et obésité, facteurs de risque de formes graves de Covid-19, touchent une partie importante de la population. Il faut anticiper que le système de santé, du fait de l’hyper-concentration de son service et de la méfiance d’une partie importante de la population envers l’administration, sera totalement dépassé lorsque les quartiers pauvres de Mamoudzou, comme le bidonville de Kaweni, seront touchés. Mercredi 8 avril 2020, 14h30

LE CONFINEMENT

La mesure essentielle

Les territoires d’outre-mer ont mis en place les mesures de confinement général de la population, en même temps que la métropole, le 17 mars. Les territoires étaient alors au stade 1 ou 2 de l’épidémie.

Ces mesures de confinement installées précocement sont à même de limiter, et d’étaler dans le temps, la vague épidémique et ainsi réduire son impact sanitaire sur les territoires d’outre-mer. Il est critique de s’assurer que les mesures nationales sont appliquées strictement dans les outre-mer, en faisant appel, comme en métropole, aux forces de maintien de l’ordre, dans le plus grand respect des différentes communautés et cultures.

Il est important que les différentes mesures liées au confinement soient comprises et appropriées par l’ensemble des concitoyens d’outre-mer, pour qu’elles s’appliquent efficacement. Les messages de prévention doivent être communiqués dans les différentes langues parlées par les habitants de l’outre-mer par les médias adéquats et les leaders communautaires et religieux. A ce jour, les concitoyens d’outre-mer ont compris les enjeux du confinement qui est globalement respecté.

Les préfets de région doivent ainsi s’assurer de la pratique stricte du confinement, mais également permettre, voire encourager, les bonnes initiatives permettant de gérer les problématiques locales notamment de promiscuité et de précarité. Ainsi les pratiques dans les marchés ouverts seront à aménager, sans nécessairement que ceux-ci soient fermés, lorsqu’ils sont la source principale d’approvisionnement en denrées alimentaires.

Le début du ramadan est prévu pour le 23 avril. Il faut anticiper des aménagements des mesures de confinement général, respectant son application rigoureuse, notamment l’application des couvre-feux en vigueur dans beaucoup de territoires.

Un autre point de vigilance est la protection des établissements sensibles comme les établissements de santé et ceux hébergeant des personnes âgées. Ils doivent être protégés au maximum pour empêcher une introduction du Covid-19. En cette période épidémique, les visites doivent y être interdites, et leur accès contrôlé par un agent de sécurité sanitaire qui vérifie le bon usage des mesures barrières.

Pour les personnes en situation de précarité socio-économique, le confinement peut entraver les revenus. Il doit être assorti de mesures de soutien, au-delà des actes de solidarité entre voisins. C’est déjà le cas sur certains territoires, comme à Mayotte où une part importante de la population est éligible à une aide alimentaire, mise en place ces dernières jours.

Le Conseil scientifique considère indispensable le maintien strict du confinement dans les territoires d’outre-mer, jusqu’au décours du passage du pic épidémique. Il souligne la nécessité de mesures d’accompagnement pour les personnes en situation de précarité. Mercredi 8 avril 2020, 14h30

POINTS D’ALERTE GENERAUX

Le Conseil scientifique souhaite alerter sur certains points concernant le contrôle de l’épidémie de Covid-19 dans les territoires d’outre-mer, en tenant compte des sensibilités de la société outre-mer et de la diversité des territoires.

1) L’épidémie dans les territoires d’outre-mer va s’aggraver dans les semaines qui viennent

Il y un décalage d’environ 3 à 4 semaines entre le début de l’épidémie de Covid-19 dans l’hexagone et dans les territoires d’outre-mer. Ce décalage a permis à tous les territoires de commencer à s’organiser pour l’arrivée de la vague épidémique. Ils ont introduit le confinement général et des mesures de limitation de la pénétration du Covid-19 sur leur territoire.

En fonction de la rigueur de sa mise en oeuvre, le confinement général doit permettre de ralentir voire stopper la progression de l’épidémie de Covid-19. Il est cependant difficile de prévoir l’impact de ces mesures sur la progression de l’épidémie de Covid-19, le nombre d’hospitalisations et le nombre de décès.

Le Conseil scientifique attire l’attention sur le fait que, même s’il est possible d’affirmer que les mesures prises à ce jour auront, et ont déjà un impact, il est impossible aujourd’hui de dire quand les pics épidémiques seront atteints, et quel niveau ils atteindront dans chaque territoire.

2) Renforcement des capacités hospitalières

La principale question qui se pose est celle de l’adéquation entre les capacités hospitalières des territoires, notamment celles des services de réanimation, et les besoins à venir, en particulier pour les personnes présentant des formes graves de Covid-19.

Dans les territoires d’outre-mer, les hospitalisations en réanimation de cas graves de Covid-19 sont actuellement rares. Les capacités de réanimation sont loin d’être saturées. Ceci est lié au stade débutant de l’épidémie. Il faut cependant rester prudent, car même si la population est majoritairement jeune, et donc moins à risque de forme grave de Covid-19, la présence de comorbidités comme hypertension, diabète et surpoids pourrait se traduire par un nombre important de formes sévères.

Compte tenu des délais d’acheminement des équipements, il faut dès à présent anticiper les besoins en lits de réanimation en évaluant la faisabilité et le gain en nombre de lits qu’apporteraient des mesures type déprogrammation de la chirurgie non essentielle, conversion de lits de réanimation pédiatrique en réanimation adulte, et sollicitation du secteur privé. Il est important de souligner que l’accroissement des besoins en lit de réanimation s’accompagne de l’accroissement en besoin d’équipements divers, tels les Mercredi 8 avril 2020, 14h30 respirateurs (un nombre important de respirateurs a déjà été commandé. Ils sont en cours d’acheminement).

A titre de comparaison, en métropole les besoins en lits de réanimation ont globalement été multipliés par deux à trois depuis le début de l’épidémie de Covid-19, avec une tension très forte sur les effectifs de personnels hospitaliers spécialisés, qui ont dû être renforcés, et une forte augmentation de la consommation en médicaments de réanimation, tels les curares.

Dès maintenant, il est urgent de réorganiser le fonctionnement des hôpitaux qui accueillent les cas de Covid-19, avec reprogrammation prudente des activités non urgentes. La création d’une filière de soins des cas de Covid-19 bien distincte et bien signalée est également une nécessité, avec triage des cas d’infections sévères et des cas suspects sans critères de gravité.

3) Tests diagnostiques (RT-PCR COVID) : une stratégie « test, test, test » dès maintenant

Les besoins en dépistage du SARS-CoV-2 par écouvillonnage nasopharyngé sont grandissants. Il est important de s’assurer de la disponibilité de ces tests qui vont être au coeur des stratégies de contrôle de l’épidémie mises en oeuvre en outre-mer. Les territoires principaux sont dotés des capacités diagnostiques par PCR. Les plus petits territoires sont en train de s’équiper avec des solutions adaptées à leur besoin. Renforcer certains laboratoires hospitaliers, avec des équipements qu’ils maîtrisent bien est une nécessité dès à présent. De la même façon, les stocks en réactifs et matériels de prélèvement arrivent à leur fin dans beaucoup de centres. Il est nécessaire dès à présent de passer de nouvelles commandes, spécifiques et personnalisées. Une stratégie de package « machine + petite équipe » doit être privilégiée. L’équipe doit être composée de 4 à 5 personnes, venant de métropole pour une formation et une accélération de la mise en phase opérationnelle. Le partenariat public-privé pour le réseau des prélèvements COVID doit se mettre en place dès maintenant.

4) Equipements, traitements et suivis épidémiologiques

Une grande préoccupation actuelle des agences régionales et territoriales de santé, est la disponibilité des masques et des équipements de protection individuelle. Des commandes sont en cours. Il est impératif d’éviter les ruptures de stock et de permettre une large utilisation des masques en privilégiant en cas de tension les personnels de santé.

Sur le plan thérapeutique, et selon un principe de justice sociale, il sera nécessaire d’organiser, de manière médicalement contrôlée, l’accès aux traitements du Covid-19 en cours d’investigation, dans le cadre de procédures dites compassionnelles. Il est recommandé d’attendre les premiers résultats intermédiaires des études en cours. Dans les territoires où la recherche clinique est déjà active, des centres participant aux études pourront être ouverts.

Les gels hydro-alcooliques doivent être disponibles largement pour les personnels de santé.

Concernant la surveillance épidémiologique, notamment pour le suivi actif des contacts des cas, il est nécessaire de renforcer très fortement les équipes sous la coordination de l’équipe locale de Santé publique France, en s’appuyant sur les différents acteurs de santé. Mercredi 8 avril 2020, 14h30

POINTS D’AVIS SUR DES MESURES DIFFERENCIEES ADDITIONNELLES

Le Conseil scientifique considère qu’il est pertinent de mettre en oeuvre des mesures additionnelles au confinement, adaptées au contexte de chaque territoire et élaborées avec les autorités et les acteurs locaux impliqués. Ces mesures sont principalement :

– la quatorzaine préventive chez les arrivants ;

l’isolement des cas avérés ;

– le suivi actif de leurs contacts.

les tests de diagnostic du Covid-19 par RT-PCR qui ont un rôle important à jouer dans chacune de ces mesures, avec une collaboration laboratoires publics – laboratoires privés souvent déjà en place .

Le Conseil scientifique considère qu’il y a trois groupes de territoires qui diffèrent par l’intérêt et la capacité de mise en oeuvre de ces mesures.

1) Mayotte

En raison du risque important d’explosion épidémique et de paralysie du système de santé, Mayotte est dans une catégorie à part. Cette situation exige donc un confinement « aménagé » avec un couvre-feu nocturne. Trois mesures doivent être mise en oeuvre :

a) La quatorzaine préventive pour les arrivants sur le territoire

Parce que les premiers cas de Covid-19 sont arrivés par avion et par bateau, Mayotte a rapidement mis en place des mesures de contrôle à l’arrivée des voyageurs.

La continuité territoriale a été maintenue, assortie de restriction des rotations des transporteurs. Des contrôles sanitaires ont été mis en place à l’arrivée des avions et des bateaux, avec dépistage du Covid-19 pour les voyageurs symptomatiques.

Une quatorzaine préventive à l’arrivée des voyageurs a été mise en place dans une structure dédiée, comme cela avait été le cas en début d’épidémie dans l’hexagone, lors du retour des expatriés français de Wuhan, début février.

La place du test de diagnostic PCR du Covid-19 est bien établie lorsque les voyageurs présentent des symptômes suspects. La place du test de dépistage systématique chez les voyageurs est en cours de réflexion. Cette mesure permettrait de limiter le risque d’introduction du Covid-19 par des malades asymptomatiques, dont on ignore la prévalence, mais dont on sait qu’ils jouent un rôle important dans la propagation de l’épidémie.

Le Conseil scientifique recommande de pratiquer un test de dépistage du Covid-19 à tous les voyageurs présentant des symptômes évocateurs. Un test systématique en fin de quatorzaine préventive chez le voyageur asymptomatique est également conseillé tant que la proportion des cas d’infections importées est significative par rapport aux cas autochtones. Mercredi 8 avril 2020, 14h30

b) L’isolement des cas avérés en structure contrôlée extrahospitalière

En métropole, lors de la phase 2 épidémique, l’ensemble des cas avérés étaient admis à l’hôpital. A partir de la phase 3, il a été demandé aux personnes symptomatiques de rester en confinement à domicile dès lors qu’elles ne présentaient pas de signe de gravité.

Le Conseil scientifique préconise l’ouverture de structures extrahospitalières médicalisées pour accueillir les cas avérés de Covid-19 , en cette période de phase 2, et tant que possible en phase 3, et de réserver les services hospitaliers pour les cas graves. Ceci se ferait sur une base de volontariat tenant compte par exemple des difficultés d’isolement au niveau familale. Cette stratégie assortie d’un suivi des personnes contacts, vise à limiter la transmission du Covid-19 et à préserver les structures hospitalières.

Les critères d’admission dans les structures extrahospitalières pourront évoluer au fur et à mesure de l’évolution de l’épidémie.

c) Le suivi actif des personnes contacts

En phase 1, 2 et début de phase 3, le suivi actif pendant deux semaines des personnes contacts des cas avérés de Covid-19, avec dépistage des personnes symptomatiques et prise en charge des cas avérés en structures contrôlées extrahospitalières, est une mesure qui peut contribuer à ralentir la diffusion de l’épidémie.

Cette pratique requiert des équipes conséquentes sous la responsabilité d’épidémiologistes. Elle nécessite la disponibilité, sans rupture de stock, des tests diagnostiques du Covid-19 (PCR).

d) Une situation sanitaire particulièrement difficile pour les plus précaires

A Mayotte, de nombreuses personnes vivant à la rue ou dans des habitats précaires n’ont pas d’accès à l’eau. La gratuité d’accès à l’eau est indispensable dans le cadre du confinement. Jusqu’à présent, les personnes les plus vulnérables rechargeaient leurs bidons avec des cartes magnétiques, mais le confinement ainsi la perte de revenus qu’il a entrainée en raison de la fermeture de commerces le plus souvent informels les empêchent aujourd’hui de recharger cette carte et d’avoir accès à l’eau.

Un circuit d’aide alimentaire performant doit aussi être établi durant la période de confinement évitant ainsi les longs déplacements de personnes pour rejoindre les commerces les plus proches, mais aussi pour permettre aux plus précaires de se nourrir.

2) Guadeloupe, Saint-Martin, Saint Barthélémy, Martinique, Guyane, La Réunion, Nouvelle-Calédonie et Polynésie française

Ce groupe de territoires à un stade 2 et 3 de l’épidémie peut mettre en oeuvre certaines mesures communes, en les adaptant à leurs spécificités. Il est considéré, que leurs hôpitaux, moyennant renforcement de leurs capacités en lits de réanimation et réorganisation peuvent accueillir les cas graves de Covid-19, bien que conscients des difficultés matérielles pour le centre hospitalo-universitaire (CHU) de Guadeloupe. L’hôpital de référence pour Saint-Martin Mercredi 8 avril 2020, 14h30 et Saint Barthélémy reste le CHU de la Guadeloupe et l’Institut Pasteur de la Guadeloupe pour les tests RT-PCR.

a) La quatorzaine préventive pour les arrivants sur le territoire

La plupart des territoires d’outre-mer, ont rapidement mis en place des mesures de contrôle à l’arrivée des voyageurs, tout en maintenant la continuité territoriale, assortie de restriction des rotations des transporteurs. Des contrôles sanitaires ont été mis en place à l’arrivée des avions et des bateaux, avec dépistage du Covid-19 pour les voyageurs symptomatiques.

Plusieurs territoires ont mis en place une quatorzaine préventive à l’arrivée des voyageurs,

Le lieu de résidence des personnes en période de quatorzaine est parfois leur lieu de domicile, si elles ne présentent pas le risque d’infecter leur entourage. Sinon la quatorzaine préventive s’effectue dans un lieu de résidence assigné où les mesures de confinement et distanciation sociale sont mieux contrôlées. Les capacités d’accueil en résidence des quatorzaines préventives est bonne pour ce groupe de territoires.

Le Conseil scientifique recommande de pratiquer un test de dépistage (PCR) du Covid-19 à tous les voyageurs présentant des symptômes évocateurs. Un test systématique en fin de quatorzaine préventive chez le voyageur asymptomatique est également conseillé tant que la proportion des cas d’infections importées est significative par rapport aux cas autochtones, ce qui est encore le cas en ce début du mois d’avril.

b) L’isolement des cas avérés en structure contrôlée extrahospitalière

Lorsque le confinement à domicile est problématique, en raison d’un contexte de précarité et de promiscuité, il doit être proposé de soustraire un cas avéré à son environnement pour protéger son entourage. Il est cependant probable que plusieurs personnes proches sont déjà également infectées au moment de l’éviction. Elles doivent entrer dans le protocole de suivi actif des contacts. Dans ces départements, les hôtels actuellement non-occupés doivent pouvoir servir de lieux d’isolement.

c) Le suivi actif des personnes contacts

Le suivi actif pendant deux semaines des personnes contacts des cas avérés de Covid-19, avec dépistage des personnes symptomatiques peut contribuer à ralentir la diffusion de l’épidémie dans la population et donc la surcharge des hôpitaux.

Cette pratique requiert des équipes conséquentes sous la responsabilité d’épidémiologistes. Elle nécessite la disponibilité, sans rupture de stock, des tests diagnostiques du Covid-19 (PCR).

3) Saint-Pierre et Miquelon et Wallis et Futuna

Hormis le cas détecté chez un voyageur en fin de quatorzaine préventive à Saint-Pierre et Miquelon, il est considéré que ces territoires sont actuellement indemnes de Covid-19 en ce début d’avril 2020. Il est donc légitime qu’ils prennent toutes les mesures pour limiter l’arrivée de l’épidémie sur leurs iles. Mercredi 8 avril 2020, 14h30

a) La quatorzaine préventive pour les arrivants sur le territoire

C’est la mesure la plus importante pour prévenir l’épidémie dans ces territoires. Elle doit concerner toutes les personnes pénétrant les territoires quels que soient les moyens de transport. Une quatorzaine en l’absence de proches peut se faire à domicile, à condition de respecter strictement toutes les règles de confinement, sans sortir de son domicile. Sinon la quatorzaine doit se faire dans une structure d’accueil dédiée et organisée pour éviter tout contact.

Il est impératif d’avoir une stratégie de dépistage immédiat de tous les voyageurs symptomatiques et de tous les voyageurs asymptomatiques en fin de quatorzaine. Même au-delà de cette période, il est prudent que tout symptôme évocateur de Covid-19 entraîne la pratique d’une RT-PCR par écouvillonnage nasopharyngé.

b) Le suivi actif des personnes contacts

Le suivi actif pendant deux semaines de toutes les personnes contacts des cas avérés de Covid-19, avec une exhaustivité complète, est nécessaire dans le contexte de Saint-Pierre et Miquelon et Wallis et Futuna. Il sera nécessaire que toutes les personnes contacts de cas avérés soient à leur tour placées en quatorzaine, avec pratique d’une RT-PCR par écouvillonnage nasopharyngé en cas de symptômes et systématiquement en fin de quatorzaine.

c) Equipment en capacité de diagnostic PCR

A ce jour, ces territoires ne sont pas dotés d’automates permettant de réaliser les tests PCR du Covid-19. Il convient d’urgence d’accompagner ces territoires à acquérir cette indépendance

d) Un déconfinement prudent

Dans les territoires n’ayant aucun cas de Covid-19 et pratiquant une quatorzaine préventive rigoureuse, avec dépistage systématique du Covid-19 en fin de quatorzaine pour toutes les personnes arrivant sur le territoire, et un suivi des contacts rapproché, la question d’un déconfinement prudent, progressif, peut se discuter tant qu’aucun cas positif de Covid-19 n’est identifié, hors quatorzaine. L’idée est alors d’isoler sanitairement les territoires plutôt que leurs habitants. Le suivi de l’épidémie de Covid-19 dans les pays limitrophes sera utile pour prendre la décision d’un tel déconfinement.

Le Conseil scientifique considère pertinent et utile de mettre en oeuvre dans chaque territoire d’outre-mer des mesures spécifiques qui doivent être différenciées et adaptées à la phase épidémique et aux capacités de chaque territoire. Ces mesures, qui combinent la quatorzaine préventive chez les arrivants, l’isolement des cas avérés, le suivi actif de leurs contacts, et la large utilisation des tests de diagnostic doivent être décidées et mises en oeuvre en étroite concertation entre les autorités et les acteurs locaux impliqués. Mercredi 8 avril 2020, 14h30

 

10 RECOMMANDATIONS

1. Poursuivre le confinement strict dans les territoires d’outre-mer, jusqu’au décours de la vague épidémique, en intensifiant les mesures en faveur des populations précaires, comme l’aide alimentaire, avec l’aide des associations locales et éventuellement des Forces Armées déployées.

2. Renforcer dès à présent les hôpitaux en doublant leur capacité d’accueil en lits de réanimation pour les cas graves de Covid-19. Renforcer les laboratoires de biologie, avec des équipements qu’ils connaissent et des moyens humains venant de métropole si cela est nécessaire pour le diagnostic du SARS-CoV-2.

3. Continuer, dans un contexte de faible arrivage, à pratiquer la quatorzaine à l’arrivée des voyageurs, idéalement en structure dédiée, assortie d’un test de dépistage RT-PCR immédiat à tous les voyageurs symptomatiques et systématiquement à tous les voyageurs en fin de quatorzaine.

4. Renforcer en nombre et en formation les équipes hospitalières, en mobilisant éventuellement la Réserve Sanitaire et le Service de Santé des Armées, pour pallier à la pénurie de personnels de santé dans certains territoires.

5. Mettre en place, en appui aux mesures de quatorzaine préventive, un isolement des cas dans des structures dédiées et un suivi actif des contacts.

6. Pour Mayotte spécifiquement, envisager l’installation d’une structure extrahospitalière médicalisée pour l’isolement des malades non graves du Covid-19.

7. Tester, tester, tester. A ce stade épidémique dans les outre-mer, toute personne suspecte de Covid-19 doit pouvoir bénéficier d’un test diagnostique. Il faut mettre en place dans chaque département/territoire une unité fonctionnelle RT-PCR, dimensionnée à la hauteur du bassin de population.

8. S’assurer de la bonne disponibilité, sans rupture de stock pour les soignants, des masques, des équipements de protection individuelle et des solutions hydro-alcooliques.

9. Renforcer dès à présent les équipes d’épidémiologie et de suivi des contacts, sous la coordination de l’équipe locale de Santé publique France.

10. Permettre en usage compassionnel, voire dans le cadre de protocole de recherche pour certains territoires, l’accès aux traitements antiviraux qui auront montré leur efficacité contre le Covid-19 en analyse intermédiaire d’efficacité des études cliniques en cours.

 

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Membres du Conseil scientifique associés à cet avis:

Jean-François Delfraissy, Président

Daniel Benamouzig, Sociologue

Lila Bouadma, Réanimatrice

Simon Cauchemez, Modélisateur

Franck Chauvin, Haut Conseil de la Santé Publique

Pierre Louis Druais, Médecine de Ville

Laetitia Atlani Duault, Anthropologue

Arnaud Fontanet, Epidémiologiste

Marie-Aleth Grard, Milieu associatif

Aymeril Hoang, Spécialiste des nouvelles technologies

Bruno Lina, Virologue

Denis Malvy, Infectiologue

Correspondant Santé Publique France : Jean-Claude Desenclos

 

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