Portrait / MadTwoz Family ou l’expérience des gangs au service de la jeunesse de Sandy Ground

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Le titre de cet article vous a appâté ? Tant mieux ! Maintenant prenez quelques minutes pour lire le contenu et vous demander si cette association a besoin de notre soutien ou pas. 

MadTwoz Family est une association créée en 2012 par Jérémy. Je vous passe les détails de son enfance plutôt difficile marquée par l’abandon et le déchirement, il me l’a raconté deux fois mais il n’a pas besoin qu’on le plaigne. Jérémy et son équipe méritent autre chose. Du haut de leur « même pas 30 ans », ils ont vécu plus et ont été plus efficaces que nous. Ils osent relever les manches pour faire ce qu’il faut, ils n’attendent plus qu’on leur donne le droit d’exister, d’agir, ils font. Le passage de sa vie à retenir et parce que c’est dans le titre, je vous le raconte. A 14 ans, Jérémy se retrouve aux Etats-Unis pour étudier. C’est là qu’on se dit « quelle chance il a eu ! ». Et bien, pas du tout. D’abord, il atterrit à Newark dans le New Jersey. Ce n’est pas un coin facile. Comme il me l’explique très bien, il pensait que « les high school seraient comme dans les séries » qu’il regardait. Des écoles pleines d’adolescents gentils, prêts à vous accueillir et à vous aimer comme vous êtes. Malheureusement, la réalité est bien différente. Jérémy n’a absolument pas les moyens de porter des vêtements à la mode, des marques, de faire tout ce que font les autres alors il est mis de côté.

« Parfois tu sais ce que tu veux mais tu n’es pas dans le bon univers. J’avais des vêtements simples et des chaussures abimées. »

Même s’il est anglophone, son anglais n’est pas tout à fait le même et il a un accent. Les autres adolescents se moquent de lui sans cesse et ne le considèrent absolument pas. Impossible de s’intégrer dans ces conditions et le sentiment d’abandon revient au galop. Il est de nouveau seul au pays où tout est possible. Sa grand-tante qui est une femme âgée ne comprend pas ses problèmes, ils sont trop loin d’elle et ne parvient pas à l’aider vraiment. Les premières personnes qui lui montrent de l’intérêt et qui s’occupent de lui sont les « gars » des gangs. Le sentiment d’appartenance… C’est un appel fort, très fort. La manœuvre, parce que c’en est une, est la même que celle des sectes et des terroristes. On vous apporte ce dont vous manquez désespérément.  Au début, Jérémy ne touche pas aux affaires du gang. Simplement, il n’est plus seul. Mais, petit à petit, les gens l’identifient au gang puisqu’il « traine » toujours avec eux. Il se retrouve mêlé à leurs histoires sans même le voir venir.

« La prison, ça m’a donné du temps pour réfléchir. Avant, c’était fast life »

Et puis, l’heure des études supérieures arrive. Sa famille n’a pas les moyens de lui payer l’université. Alors, il regarde les autres partir. Il reste bloqué au quartier, il ne reste que le gang. La suite est évidente, non? Il tombe et passe par la case prison, il a 19 ans. Mais son histoire, à lui, varie ici. La prison ne l’endurcit pas, elle le rend solide. Il se met à réfléchir à son parcours et les anciens de la prison l’aident dans cette introspection, « si tu es français, qu’est-ce que tu fais ici?». Oui, en effet, Jérémy commence à se dire que rentrer à la maison pourrait être une bonne idée pour se remettre sur la bonne voie. Quand il rentre, il revoit les vieux copains. Alors, « qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce qu’on fait ? ». « Rien, ici, il n’y a rien à faire. Il faut partir ». Le constat est sans appel, les jeunes ne trouvent pas leur place, ils ne se sentent pas considérés. Il décide de monter un groupe de musique, MadTwoz qui signifie « cool ensemble ».

Ils ne sont pas très bien vus. Ils parlent de leur quotidien et ça leur inspire quelques insultes et quelques commentaires forts désagréables sur les gendarmes… « Nous, on est des enfants d’immigrés donc on a vu des gens dans la famille qui ont été emmenés par l’immigration. On a grandi avec cette image du gendarme, on a tous grandi avec cette colère » nous explique Jérémy.

« Pour les enfants qui étaient là en 2012, on ne peut plus donner des Monopoly. Ils ont 18 ans »

Et puis, arrive l’idée de l’association pour occuper les enfants. Ils gardent volontairement le nom du groupe auquel ils ajoutent le mot family. Ils veulent que MadTwoz devienne positif, qu’on les regarde pour ce qu’ils font de bien et pas pour la colère qu’ils envoient sur les ondes. « Soit le changement que tu veux voir en ce monde » a dit Ghandi. Ils ne connaissaient peut-être pas Ghandi mais ils ont tout compris. Commencer à s’occuper des enfants du quartier a soigné Jérémy de sa colère. Il en reste et il l’explique très bien mais il veut autre chose pour son quartier et son île. Il a compris depuis longtemps que ce n’est pas la voie. Encore une fois, je vous passe les détails, l’histoire est longue et riche et si vous avez l’occasion de croiser Jérémy, il n’a pas honte, il vous raconte son parcours sans enjoliver, il vous dira ce qui a été et ce qui est. L’essentiel à retenir est que malgré un travail quotidien acharné, la création d’un magazine (SXM friendy mag), la création d’un atelier de réparation de vélo, un espace cyber, des ateliers de lecture et d’écriture, les colonies de vacances pour les enfants (15 cette année avec le précieux soutien du Secours Populaire « Français » précise-t-il) et des projets à ne plus savoir qu’en faire, MadTwoz Family a du mal à se relever du passage d’Irma. Leur local a été détruit, ils s’entassent dans le minuscule espace où nous nous sommes rencontrés. Impossible d’y tenir une réunion, on était debout. Impossible d’y mettre en place un quelconque atelier. Les enfants ne peuvent pas rester inoccupés tout l’été, ils ne peuvent pas rester livrés à eux-mêmes tous les jours de l’année. Chez MadTwoz, ils ont les ateliers mais aussi l’écoute et la nourriture parce qu’ils ne mangent pas tous, tous les jours.

Je me permets d’en appeler à votre compassion mais aussi à votre bon sens. MadTwoz Family fait un travail que nous ne pouvons pas faire et qui est nécessaire. Je ne vous demande pas de me croire sur parole. Jetez un œil sur leur page facebook, allez les rencontrer, visitez leur local, parlez aux jeunes qui « trainent» autour. Particuliers ou professionnels, vous pouvez donner de l’argent, du matériel, du temps humains, des compétences… (N’oubliez pas que vos dons sont déductibles de vos impôts). Il leur manque des moyens pour financer le loyer du nouveau local mais aussi les travaux d’installation. Ils ont obtenu des subventions qui sont conditionnées à leur capacité à rouvrir un lieu d’accueil. S’ils ne peuvent pas accueillir, ils devront rendre l’argent. Jérémy est prêt à rendre l’argent s’il n’y a pas de solution mais quand on l’entend dire « si ce n’était que pour moi, je resterais assis à regarder le temps passer mais c’est plus grand que moi », on n’a pas envie qu’il n’y ait pas de solution. Et pour tout vous dire, en écrivant cet article, j’ai passé en boucle le titre célébrissime de Marvin Gaye et Tami Terrell, « Ain’t no mountain high enough », c’est un signe ! _NB

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1 comment

  1. yva Osmond 1 septembre, 2018 at 20:51 Répondre

    Bonjour,
    Je suis la présidente de l’association SOS ENFANTS DES ILES DU NORD, basée à Sandy Ground depuis 10 ans, 11ème année d’activité.
    Je soutiens Jérémie régulièrement depuis longtemps et avant même qu’il soit impliqué dans ses activités associatives…
    Alors, aujourd’hui, je vous demande de ne pas favoriser qu’une seule association car Sandy Ground a besoin de plus…
    Des gens formidables qui font don de leur temps font partie de mon association qui a fait ses preuves depuis longtemps, pourtant, aujourd’hui, toujours pas de subventions… après l’ouragan Irma, nous sommes exsangues et la demande est plus forte que jamais.
    Nous ne recherchons pas que des fonds, nous recherchons des bénévoles qui pourraient donner quelques heures par semaine dans différents domaines…
    Voilà…
    téléphone: 0690 660 680
    Yva OSMOND.
    Présidente.

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